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Incivilités à l'école : "Une défiance plus importante des figures d'autorités"

ÉDUCATION. Ces derniers jours, le personnel scolaire est de plus en plus exposé à la colère de certains parents. Des comportements qui ont contraint les enseignants du collège Juliette-Dodu à faire un débrayage, lundi dernier. Face à la recrudescence des faits de violences, l'idée est claire : tirer la sonnette d'alarme et appeler au calme. Mais, surtout, interpeller le gouvernement pour des moyens supplémentaires sur les questions de sécurité dans l'Éducation nationale.


Auteur de l'article : Incivilités à l'école : "Une défiance plus importante des figures d'autorités"
Rédigé par Clicanoo

Certains diraient qu'elle n'était que verbale, mais tout de même. Vendredi dernier, une assistante d'éducation du collège Juliette-Dodu, localisé à Saint-Denis, se faisait agresser, - appelons un chat un chat -, au téléphone par deux parents d'élèves. Des menaces sont proférées et le calme de la vie éducative s'est vite transformé en mauvais rêve pour le personnel scolaire. Les faits de ce type ne sont pourtant pas isolés, indique Chloé Pinchon, documentaliste dans l'établissement et représentante syndicale pour l'Unsa. "On ne dénonce pas tant la violence de cette agression, insistait-elle lundi, lors d'un débrayage de la communauté enseignante. Mais plutôt l'accumulation des faits." Car, malheureusement, "on a de plus en plus de soucis avec des élèves qui ne respectent pas le règlement intérieur ou encore les horaires de retenues", explique-t-elle par la suite.
Depuis le début de l'année scolaire, la syndicaliste, comme ses collègues, a constaté une recrudescence des faits de violences émanant des parents qui, on cite, "ne supportent plus les remarques faites à l'encontre de leurs enfants." Mais ce n'est pas uniquement cela qui dérange. Les notes, les observations, les heures de colle... "On fait face à des confrontations tellement virulentes que des professeurs sont désormais agressés pour avoir demandé à un élève de reprogrammer son heure de colle parce qu'il ne s'est pas présenté à la précédente, ou pour avoir fait une remarque sur le style vestimentaire qui ne respecte pas le règlement intérieur", liste Chloé Pinchon, qui souhaite désormais tirer la sonnette d'alarme et appeler au calme. "On veut travailler avec les parents, on a besoin de leur soutien, non pas de ces confrontations", dit-elle.

Une école "fragile"

Pour la documentaliste, tout cela émane d'un "problème sociétal." Elle évoque notamment une "défiance générale" semblable à celle faite envers les "forces de l'ordre, par exemple, ou encore les journalistes" qui se retrouve aussi dans l'Éducation nationale. "On sent qu'il y a une crispation sociétale, une défiance plus importante des figures d'autorités, estime Chloé Pinchon. Il y a toujours eu des cas de contestation de règlement intérieur, mais ce qu'on remarque, c'est que les enfants sont de plus en plus soutenus par leurs familles et les réactions sont de plus en plus virulentes." Acharnement, harcèlement, stigmatisation... Les accusations reviennent aussi de plus en plus. D'où le message d'exaspération et le ras-le-bol exprimé lundi dernier lors du débrayage organisé par le personnel enseignants et d'éducation. "Cela provoque un stress et une demande de réorganisation de la part des enseignants, poursuit Chloé Pinchon. On a des professeurs qui ont revu des notes, d'autres qui ont enlevé des heures de colle et qui hésitent à envoyer des messages. On espère ne pas arriver à un acte beaucoup plus grave car la pression parentale est très forte. Trop forte. Gérer des élèves, des adolescents, c'est notre rôle, mais gérer des parents, c'est autre chose."
Interrogée, Marie-Hélène Dor, secrétaire départementale de la FSU, parle de la violence comme "le reflet de notre société qui se scinde..." Et dans le système éducatif, cette agressivité "n'a pas sa place". La faute, elle, "en revient quand même exclusivement au gouvernement qui ne met pas les moyens nécessaires pour prévenir cette violence, estime Marie-Hélène Dor. Des moyens humains pour prévenir cette véhémence en mettant des personnels sociaux, par exemple, en nombre suffisant pour aller à la rencontre de ces jeunes qui sont un peu en perdition et qui parfois se laissent aller."
Face à une "école fragile" qu'il faut "défendre de plus en plus", dixit Marie-Hélène Dor, les personnels du collège Juliette-Dodu ont prévu de se réunir ce matin, notamment pour "réfléchir à l'amélioration du climat scolaire."


P.B

LE CHIFFRE
115
C'est le nombre de faits de violence venant des parents d'élèves qui a été décompté depuis le début de l'année scolaire. Pour la même période, l'année précédente, il y en avait 39, indique le rectorat.

Des violences qui "augmentent d'année en année"
ACADÉMIE. Ces actes de violence des parents envers le corps enseignant, le rectorat de La Réunion les observent depuis quelques années déjà. La période de bascule s'est notamment faite lors de la crise covid. "Certains parents étaient mécontents des mesures du protocole sanitaire, se souvient Éric Couleau, conseiller technique des établissements et de la vie scolaire pour l'académie. Certains ont donc réagi de manière assez violente vis-à-vis des personnels, des directeurs d'école, des chefs d'établissements et des enseignants. On pensait que c'était conjoncturel et lié à la crise covid." Que nenni, dirait-on. Car les services ont malheureusement constaté une recrudescence des violence dès lors.
Sur le premier degré, par exemple, depuis le début de l'année scolaire, pas moins de 115 faits de violence de la part des familles ont été déclarés, contre 39 lors de l'année scolaire précédente, pour la même période. Sur ces 115 faits, 80 % sont des violences dites verbales (86 cas), 13 cas ont été évalués comme violences physiques et 15 cas de cyber-violence. Pour ce qui est du second degré, "on est actuellement à 40 faits de violences de la part des familles déclarées, alors qu'il y en avait 18 l'an dernier, à la même période, rapporte Éric Couleau. On est donc sur une augmentation assez franche dans le premier degré comme dans le second degré. On le note au niveau local, mais également à l'échelle nationale." D'où l'urgence d'agir.

Renforcement et communication

Et, dans son chapeau, le rectorat regorge d'un arsenal de mesures pour sécuriser les établissements scolaires. Comme le contrôle des identités, renforcé depuis le passage au stade urgence attentat du plan Vigipirate. "Il y a un contrôle systématique des identités au niveau des établissements scolaires, affirme ainsi Éric Couleau. Dans le second degré, on contrôle aussi les flux. On a...

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