Rédigé par Clicanoo
"Oh, je l'ai déjà lu celui-là !". Devant le stand de Katty Lauret, un jeune garçon s'émerveille de voir un livre qu'il a déjà croisé en classe. Son autrice, elle-même enseignante en petite section au Port, l'invite à la rejoindre. Deux autres enfants saisissent l'occasion pour un moment de lecture. Katty Lauret a publié son premier livre jeunesse en 2016, avec Florence Lauret Miranville. "On n'avait pas d'outils en créole pour les tout-petits. C'est un vrai plus, à cet âge, de travailler avec leur langue affective". Les ouvrages des deux autrices, en français et en créole, puisent dans la culture locale à l'image de leur dernier né "5 dalon in zarlor". Ce sont aussi des livres pédagogiques qui permettent aux enfants de se familiraiser avec les chiffres pour commencer à calculer et compter.
Une offre locale et qualitative
Les connaisseurs de l'édition péi situent l'émergence de l'édition jeunesse au mitan des années 2000 quand le premier Salon du livre jeunesse, en 2004, s'est emparé du sujet. "Avant ça, il n'existait pas beaucoup de propositions en dehors des deux grandes maisons d'édition Orphie et Azalées", témoigne Eric Robin, qui a récemment repris Epsilon et Océan Editions, cette dernière étant désormais spécialisée dans les livres jeunesse. "Il y a eu une explosion dans ces années-là, confirme Yannick Lepoan, le président de La Réunion des livres, organisatrice du salon. Depuis, la production a un peu fléchi au profit de la littérature adulte. Mais elle reste très dynamique".
Le succès des livres jeunesse péi s'explique souvent par leur ancrage local. "Il y a une demande pour des histoires qui collent à la culture réunionnaise, analyse Bruno Gaba, le fondateur de Zebulo éditions. En l'espace de dix ans, on a assisté à une offre de plus en plus qualitative".
Parmi les auteurs phares (liste non-exhaustive), on peut citer Joëlle Ecormier qui travaille souvent avec l'illustrateur et auteur Modeste Madoré, Corinne Decloitre ou encore Teddy Iafare-Gangama dont le livre Tigouya vendu à 10 000 exempliares depuis sa sortie en 2009 vient de connaître une suite.
Vers de nouveaux territoires
"L'ancrage local est un gage d'intérêt mais pas de succès, nuance Eric Robin. L'édition jeunesse péi se caractérise avant tout par un haut niveau de qualité capable de rivaliser sans problème avec ce qui se fait au niveau national". "On a les mêmes critères que certaines maisons nationales. On a vraiment des illustrateurs et des illustratrices de talent avec des productions intéressantes", complète Yannick Lepoan. Mais vendre en métropole, à l'instar d'Océan Editions, peut se révéler être une gageure. "Les ouvrages sont confrontés à la concurrence nationale et internationale, poursuit le président de la Réunion des livres. Nous ne bénéficions pas de facilité pour le transport des livre, ni de représentation physique dans l'hexagone. Donc, pour des maisons d'édition qui fonctionne avec deux ou trois personnes, ça peut être compliqué".
Localement, l'édition jeunesse innove et explore de nouveaux territoires. Zebulo, spécialisée dans les livres jeunesse et musicaux, a ainsi ouvert la librairie "Zou" à l'Eperon. Elle vient également de publier "Théodore, le passager du rêve". Un livre audio écrit par Joëlle Ecormier à destination des adolescents, une première à la Réunion. L'historien Gilles Cauvin et le dessinateur David D'Eurveilher publient également "Nout Péi". Un livre sur l'histoire de la Réunion raconté à des enfants par... un papangue. Les textes sont courts et les dessins, au crayon gris, spectaculaires. Enfin, la Réunion des livres relancera au mois d'octobre, à Château Morange, le Salon du livre jeunesse qui n'a plus connu d'édition depuis 2018.
Côté vente, les chiffres sont encourageants. Si un succès tutoie les 5000 exemplaires, les ventes moyennes chez Océan Editions sont comprises entre 1000 et 2000 exemplaires. "Le métier d'éditeur, c'est un pari et une envie, développe son directeur Eric Robin. L'objectif n'est pas forcément de faire des ventes mais une envie de faire un livre avec un auteur". "On fonctionne beaucoup au coup de cœur, ajoute Bruno Gaba. Tout notre travail est de magnifier le trésor des auteurs".
J.-Ph.L.
Tigouya, le retour
Teddy Iafare-Gangama publie la suite des histoires de Tigouya, dont le premier livre est sorti en 2009. L'ouvrage s'est vendu à 10 000 exemplaires. Un véritable best-seller à l'échelle de l'île. Cette fois, Tigouya "est maillé avec mon spectacle "In zong, in doi", détaille Teddy Iafare-Gangama qui a été sollicité par le public "qui voulait l'histoire du spectacle en main". L'ouvrage reprend l'esprit du premier Tigouya avec des devinettes en créole traduites en français. Le format est également le même. Le dessin du héros évolue avec la nouvelle illustratrice Noé Noé. "J'ai essayé de garder l'esprit de Tgouya, avec ses gros yeux et ses grosses pattes. Mais j'ai aussi fait évoluer ses traits avec mon style", explique l'illustratrice, également professeur d'arts-plastiques et artiste peintre.
Plus de cent auteurs à découvrir jusqu'à samedi
Avec plus d'espace mais toujours autant d'auteurs, déjà une centaine hier, le Salon du livre péi au marché couvert de Saint-Paul jusqu'à samedi en fin de journée, s'annonce plus facile à vivre. Ce premier rendez-vous littéraire de l'année permet de mettre en avant les livres sortis deouis le dernier salon Athéna, l'an dernier à Saint-Pierre. "La durée de vie d'un livre est plus longue à la Réunion qu'en métropole. Un livre peut-être ainsi mis en avant plus longtemps", justifie le président de la Réunion des livres, organisateur de l'événement.
Le salon a remis hier ses deux prix coups de cœur. Le premier à Thierry Lebon pourson roman " Bois flotté "(Éditions Livres sans frontières) et à Céline Aho-Nienne et à Téhem pour leur livre jeunesse "Flore Mazigador – Histoires et contes créoles des plantes magiques de La Réunion" (Okopix).