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Mayotte a la prison la plus surpeuplée de France

Nombre de places: 278. Nombre de détenus: 620. Le centre pénitentiaire de Majicavo, à Mayotte, est le plus surpeuplé de France, dans un département ultramarin marqué par une montée de la délinquance, bouchant les perspectives de réinsertion, alors qu'un projet de deuxième prison stagne.


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Rédigé par Clicanoo

Assis sur des chaises en plastique ou adossés à un mur, quatre hommes discutent, coincés entre un lit superposé et un petit bureau qui sert de table à manger. Deux matelas ont été glissés sous la structure du lit pour avoir un peu d'espace.

Dans un recoin de la pièce de 10 m², un WC, un coin douche et un lavabo, bouché, sont à découvert.

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Alors que l'espace est conçu pour deux personnes, ils sont souvent le double, voire plus, dans les cellules de la prison de Majicavo située au nord de Mamoudzou, la préfecture de Mayotte.

Actuellement, ils sont 620 pour 278 places. En janvier, la prison a accueilli jusqu'à 678 détenus. "Un record", reconnait Marie Deyts, l'adjointe au chef d'établissement. 

En moyenne en France, où la surpopulation carcérale a atteint un niveau sans précédent, le taux d'occupation est de 123,2%. Il a atteint 243,8% à Majicavo.

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Une situation que Nicolas Jauniaux, le directeur de l'établissement, impute au fait que "les faits de délinquance explosent" à Mayotte, liés à la "forte augmentation de la population". 

Selon l'Insee, l'archipel français de 375 km2 comptait 321.000 habitants au 1er janvier et sa croissance démographique, portée par l'immigration venue des Comores, est la plus dynamique de France.

 - "Jamais connu ça"

La saturation du centre pénitentiaire ne pèse pas que sur le quotidien des détenus, mais aussi sur leur réinsertion: "tous les services sont saturés: l'école, les formations, le sport, l'emploi...", énumère Nicolas Jauniaux.

Les détenus souhaitent quasiment tous devenir agent d'entretien, distribuer les repas ou s'occuper des espaces verts pour une rémunération mensuelle allant de 180 à 400 euros, mais seulement 110 postes sont disponibles au sein de l'établissement, ajoute-t-il.

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Pour la plupart, c'est pourtant la seule source de revenus envisageable. "Au-delà des 30 euros d'aides par mois qu'ils perçoivent, ils n'ont rien. Les familles qui leur versent de l'argent sont très rares", souligne Marie Deyts.

Si promiscuité et manque d'activité favorisent "les problèmes de cohabitation", il y a "très peu d'incidents", décrit M. Jauniaux.

"Nous avons une population très docile. Alors qu'à l'extérieur, plusieurs villages sont en conflit et qu'il y a souvent des règlements de compte, ici les guerres de bandes disparaissent, c'est un lieu neutre", assure le directeur. "Les plus grosses disputes sont liées au choix du programme TV".

La raison: une forme de résignation et un mode de vie parfois plus paisible qu'à l'extérieur.

"La plupart vivent dans une grande précarité. Ici, ils savent où dormir, ils mangent trois fois par jour et ont l'eau courante. On s'occupe d'eux, ils peuvent être soignés quand ils en ont besoin, certains n'ont jamais connu ça", souligne le directeur, précisant que 65% des détenus sont étrangers, principalement Comoriens. 

- "On recule toujours"

Pour la plupart, ils ont moins de 30 ans et sont nombreux à penser à l'après-détention.

"On se sent bloqué", soupire l'un d'eux durant un échange avec deux parlementaires - l'eurodéputé vert David Cormand et le président du groupe écologiste au sénat, Guillaume Gontard - venus visiter la prison dans le cadre d'un déplacement de deux jours à Mayotte. 

"Le service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) est en sous-effectif. Quand on demande un rendez-vous, il faut attendre des mois parce qu'on est trop nombreux", poursuit ce détenu. 

Pour son voisin, c'est pour les remises de peine que l'attente est la plus longue. "Certains projets qu'on avait à l'extérieur nous passent sous le nez. On recule toujours".

Pour désengorger l'établissement, un projet de deuxième prison a été annoncé par le ministère de la justice en 2022 mais comme souvent à Mayotte, il se heurte à des problématiques de disponibilité du foncier.

"Deux terrains ont été identifiés mais pour le moment, aucune acquisition n’a été réalisée", précise Nicolas Jauniaux: "On ne sait pas quand ce projet verra le jour".


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