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Fatima Bellaredj : "Les coopératives doivent bénéficier des mêmes aides que les entreprises ”

ENTRETIEN. Fatima Bellaredj , déléguée générale de la Confédération générale des Scop, a passé une semaine sur l'île pour rencontrer les coopératives réunionnaises et leurs partenaires. Elle nous a confié sa satisfaction face au dynamisme de l'économie participative à La Réunion et sa vision pour l'avenir.


Auteur de l'article : Fatima Bellaredj : "Les coopératives doivent bénéficier des mêmes aides que les entreprises ”
Rédigé par Clicanoo

Vous qui avez une longue expérience des SCOP, quel regard portez-vous sur ce qui se passe à La Réunion dans ce domaine ?

"Pour mon premier voyage sur l'île, j'ai été frappée par le dynamisme et l'attachement des entrepreneurs à ce modèle coopératif. Dans l'outre-mer, La Réunion fait figure de tête de pont, avec 47 coopératives et 4 filiales adhérentes. Cela représente 1 963 salariés dont 1 932 dans les coopératives et 31 dans les filiales vs 21 110 sur l'ensemble des outre-mer. Depuis le lancement du Programme Outre-Mer, le POM, en 2020, 12 coopératives ont été créées à la Réunion et ont rejoint la Confédération générale. Nous avons aussi signé 10 conventions d'accompagnement. 

Comment est né le POM ?

Auparavant, les Outre-mer, et donc essentiellement La Réunion et la Guyane qui est aussi très impliquée dans la gestion collective, étaient rattachés à l'Île de France. Il y a trois ans, à la demande de l'ensemble des territoires, il a été décidé de créer un Programme Outre-mer avec une section locale, car tous nous disaient l'importance d'avoir une personne de la Confédération générale sur place, afin d'avoir accès plus facilement à des informations techniques, à du soutien, à des aides financières. Nous avons donc décidé d'envoyer Frédéric Sanchez sur l'île et de nous y inscrire dans la durée afin de nous donner les moyens de travailler avec nos partenaires. Le ministère des Outre-mer (MOM) nous a beaucoup aidés et ce soutien se poursuit, malgré le turn-over ministériel.

Concrètement, quelles sont ces aides ?

Dès la seconde année de notre implantation à La Réunion, le MOM nous a donné des moyens supplémentaires qui nous ont permis d'embaucher deux personnes et maintenant d'ici le mois prochain une personne en Guadeloupe, qui est d'ailleurs Réunionnaise, afin de renforcer le lien de proximité avec les adhérents et développer ce territoire. Nous travaillons aussi efficacement avec les différents services de l'État à La Réunion.

Pensez-vous que le modèle coopératif, encore très minoritaire, ait la possibilité de se développer davantage, considérant qu'il peut répondre aux attentes des jeunes, plus attirés par l'entreprenariat que par le salariat ?

Le modèle de gestion collective a de belles perspectives devant lui. Je crois que l’on peut changer la vie des gens en portant des idées de partage et d’égalité, comme le font les SCOP. Les jeunes peuvent en effet être attirés par ce modèle. Mais il faut être attentifs aux motivations. Par exemple, nous rencontrons beaucoup de jeunes aux idées assez radicales qui viennent chercher des informations. Ces jeunes sont dans un modèle de décroissance, mais ce n'est pas notre modèle. Les SCOP ont vocation à créer de la croissance, ce sont des entreprises à but lucratif. Il faut sortir du cliché de la SCOP, petite entreprise artisanale ou agricole, axée sur l'économie durable, bien que ces entreprises existent évidemment au sein des SCOP, mais historiquement, les SCOP sont des modèles ouvriers, qui se sont créées progressivement depuis le milieu du XIXè siècle, à partir des secteurs industriels : BTP, transformation des métaux et édition. Des SCOP, dans l'Hexagone, comptent plusieurs milliers de salariés (à La Réunion, la plus importante, la SCOPAD qui oeuvre dans le médico-social, recense près de 1 000 salariés mais n'est plus adhérente à la CGSCOP, NDLR).

Quel est le taux de progression des SCOP ?

En métropole, nous sommes à 5% de progression en nombre d'emplois. Sur les dernières années avant Covid, nous étions entre 5 et 7%. On renoue actuellement avec les chiffres d'avant la crise sanitaire.

Et quel est le taux de défaillance ?

Il est égal à celui des PME qui est actuellement impressionnant. Les SCOP les plus jeunes, c'est à dire de moins de cinq ans d'activité, sont celles qui souffrent le plus. Les plus anciennes tiennent le coup parce qu'elles puisent dans leurs fonds propres. Le taux de pérennité à cinq ans des SCOP est actuellement de 79% (+2 %) vs 61% pour les entreprises au niveau national.

Quelles sont les attentes de la CGScop vis à vis du gouvernement ?

Nous attendons une loi de programmation afin de bénéficier de moyens dédiés. Nous avons besoin de travailler avec des outils comme n'importe quelle entreprise. Les aides qui existent pour les entreprises doivent aussi exister pour nous or ce n'est pas le cas. Notre mission, c'est de créer de l'emploi. Mais pour qu'il y ait de l'emploi, il faut des partenariats avec les collectivités territoriales et avec l'État".

Propos recueillis par Mireille Legait

[email protected]

CHIFFRE

33,6 M€

C'est le montant du chiffre d'affaires consolidés des 30 coopératives CGSCOP à La Réunion en 2022 vs 9,4 Md€ en France.

Sources CGSCOP

REPERES

48%

des sociétés coopératives ultramarines exercent dans le secteur du service

18%

dans le secteur de l'éducation, de la santé et du social.

8%

dans la culture, le spectacle et les activités sportives

6%

dans l'industrie

4%

dans la construction et les transports 

3%

dans le tourisme, l'agriculture et le commerce

1%

dans le secteur de l'énergie et de l' environnement. 


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