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Un nouveau cap pour la Sapmer

pêche. Un nouveau conseil d'administration composé d'investisseurs réunionnais a été officialisé à la tête de la Sapmer, seul armement français coté en Bourse. Jacques de Chateauvieux y occupera le simple rôle de censeur, sans droit de vote.


Auteur de l'article : Un nouveau cap pour la Sapmer
Rédigé par Clicanoo

La difficile pêche à la légine dans les eaux froides, venteuses et tumultueuses des Terres australes antarctiques françaises est une métaphore à peine exagérée des dernières années mouvementées que vient de traverser la Sapmer. Entre les déboires économiques de son actionnaire historique, Jacques de Chateauvieux, des dettes dépassant les 100 millions d'euros, la sortie brutale de ses activités de pêche à l'Ile Maurice et le besoin de retrouver un repreneur qui ne soit pas l'un de ses concurrents, la Sapmer a longtemps navigué en eaux troubles.

Mais l'horizon s'est éclairci en début d'année quand la Sapmer a annoncé sa prise de contrôle de Jacques de Chateauvieux avec 54 autres investisseurs réunionnais. Ils participent tous à l'augmentation de capital de 20 millions d'euros et donnent les moyens à l'entreprise spécialisée dans la pêche à la légine, au thon et à la langouste de poursuivre son développement.

Un conseil d'administration élargi

Tous les noms des nouveaux actionnaires n'ont pas été dévoilés. Mais les plus représentatifs entrent au conseil d'administration dont l'organisation a été validée ce mercredi en assemblée générale.

La surprise vient principalement du rôle de Jacques de Chateauvieux dont l'âge, 73 ans, ne lui permet plus d'être administrateur dans le respect des statuts de la société. Il sera "censeur", sans droit de vote mais avec une forte autorité morale. Adrien de Chomereau, son gendre, reste directeur général mais cède son fauteuil de président. Il sera désormais occupé par Régis Moreau, le fondateur du groupe Royal Bourbon. Agé de 64 ans, sa réussite à la tête du groupe basé à Bras-Panon et spécialisé dans l'alimentaire en fait la figure tutélaire de ce conseil d'administration. Il pourra toujours compter sur Dominique Audouin, 66 ans, administrateur de la Sapmer depuis 2020 et ancien directeur ressources humaines, juridique et assurances. A leurs côtés, une équipe de patrons jeunes ou plus expérimentés.

Parmi eux, Virginie Boireau, 53 ans, PDG groupe Alter Ego Océan Indien. Son groupe spécialisé dans l'intérim et le recrutement a réalisé un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros en 2023 et emploie 50 personnes. L'avocate et cheffe d'entreprise Salima Mall, 48 ans, intègre également le conseil d'administration. En 2012, avec son mari, elle a lancé la franchise Amorino dans le département puis repris Jeff de Bruges, à la Réunion et Maurice.

Guillaume Narayanin, fils de Guito, est à 40 ans le directeur du groupe familial Hold Invest. Autres représentants de groupe familiaux : Guillaume Kin-Siong, 34 ans, et Aurélien Potier, 35 ans. Le premier est directeur de la stratégie du groupe Kin-Siong, spécialisé dans la grande distribution, l’immobilier, l’hôtellerie, le retail et la restauration. Le second est directeur général du groupe Potier, implanté à Mayotte, Maurice, Madagascar et en Guyane. Il est spécialisé dans la concession et la location d’engins, les services aux industries, la franchise et diversification ainsi que l’immobilier d’entreprise.

Ce conseil d'administration élargi arrive à la tête d'une entreprise qui retrouve des eaux plus calmes. Le chapitre mauricien refermé, la Sapmer en ouvre un nouveau, "100 % français, précise Adrien de Chomereau, sur lequel on va continuer de bâtir et développer nos activités, ce qu'on sait bien faire dans notre environnement français".

Jean-Philippe Lutton

> "Un passage de flambeau progressif"

Adrien de Chomereau, directeur général de la Sapmer, explique la philosophie de la réorganisation de la Sapmer et de la composition du nouveau conseil d'administration.

Comment expliquer le simple rôle de censeur de Jacques de Chateauvieux au sein de ce nouveau conseil d'administration ?

"La raison est très simple. D'un point de vue technique, les statuts de la Sapmer ne permettent pas, au-delà d'un certain âge, d'être administrateur. Jacques de Chateauvieux (73 ans, ndlr) a dépassé cette limite et il n'a pas souhaité modifier les statuts. Il est censeur aux côtés de Guy Dupont. Ils auront un rôle de sage et d'expérimenté. Ils pourront exprimer leur avis à titre consultatif. La philosophie de ce conseil d'administration est de mettre en avant et en responsabilité les plus jeunes générations avec un passage de flambeau progressif. Si Jacques de Chateauvieux n'est plus administrateur, il conserve la majorité, notamment en assemblée générale.

Vous cédez le rôle de président à Régis Moreau tout en restant directeur général. Pour quelle raison ?

On a souhaité, dans le cadre de cet élargissement de l'actionnariat, distinguer les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général. Régis Moreau est actionnaire de la Sapmer, il a également un rôle important et reconnu dans le tissu économique réunionnais. Il a été jugé utile et intéressant qu'il puisse apporter son expérience à ce conseil d'administration. En tant que directeur général, je reste le mandataire social de l'entreprise. La dissociation du rôle de directeur général et de président n'enlève rien à ma responsabilité.

L'aventure mauricienne s'est brutalement arrêtée l'an dernier. Le gouvernement de l'île Sœur a-t-il voulu la peau de la Sapmer ?

Je ne peux pas utiliser nécessairement ce genre de termes. Il y a eu des décisions des autorités mauriciennes qui ont été très soudaines et qui ont conduit à une chute drastique des quotas. Tout cela est intervenu de manière soudaine et inédite dans le courant de l'année 2023. On a pris nos responsabilités voyant qu'il n'y avait pas d'avenir, pas de visibilité sur les quotas. Et donc, le mieux était d'opérer un recentrage stratégique sur les quotas de pêche français, la légine, la langouste et le thon, avec des bons niveaux de quotas par bateau et de bonnes perspectives à long terme.

Votre objectif est-il de faire remonter rapidement le cours en bourse, en forte baisse en février dernier ?

L'objectif, c'est surtout de bien développer la Sapmer sur ses métiers, d'opérer efficacement ses bateaux et les quotas dont elle dispose, de continuer à développer ses marchés à l'international et ses activités du Comptoir Sapmer à La Réunion. C'est de cette manière que les résultats seront là et que le cours suivra."

Propos recueillis par J.-Ph.L.

La fin de l'aventure mauricienne a coûté 35 millions d'euros

En fin d'année dernière, la Sapmer a brutalement quitté ses activités de pêche au thon à Maurice et vendu les trois navires qui y opérait. L'entreprise bénéficiait jusque-là de quotas de pêche attribuaient par le gouvernement mauricien. Ce départ soudain aura coûté quelque 35 millions d'euros à l'entreprise basée à la Réunion. "Les comptes 2023 ont surtout été marqués par les pertes opérationnelles et comptables qui font suite à la baisse brutale des quotas de thon alloués par les autorités mauriciennes ainsi qu’à de nouvelles contraintes réglementaires inédites qui ont fortement pesé sur les performances de pêche des trois thoniers sous pavillon mauricien et ont conduit à leur vente à des valeurs nettement inférieures à leur valeur nette comptable", précise sobrement l'entreprise dans un communiqué. Sans ces pertes, "le résultat net du groupe aurait été sensiblement le même qu’en 2022, soit supérieur à 5 millions d'euros", ajoute-t-elle.

La vente de deux thoniers lui permet surtout de diminuer son endettement à la clôture de ses comptes 2023. Il s'établit désormais à 54,7 millions d'euros contre 92,9 millions d'euros fin 2022. La récente vente du troisième et dernier thonier sous pavillon mauricien ainsi que l’augmentation de capital "permettent un désendettement supplémentaire et un renforcement des fonds propres", précise la Sapmer.

J.-Ph.L.


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