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Pour l'amour du Massalé

Il existe autant de recettes de poudre de massalé que de producteurs, professionnels ou particuliers. Comment choisir ? Nous en avons testé six pour vous.


Auteur de l'article : Pour l'amour du Massalé
Rédigé par Alexandre Begue

La Réunion, milieu du XIXe siècle. Les engagés indiens venus de la côte de Coromandel (Madras, Pondichery, Karikal...) pour cultiver la fertile terre réunionnaise, ont embarqué peu de biens matériels, mais ils sont riches d’une culture millénaire, dont un art culinaire à base d’épices, le masala, avec un «s» ou deux, terme signifiant «mélange ».
Des massalas, ou plutôt à cause d’eux, est né le curry, sur demande des Habits Rouges, probablement sollicités par leurs boyaux d’occidentaux néophytes qui avaient tendance à les faire courir «karté», vers le plus proche buisson, après un de ces très épicés repas dont on peut se délecter encore aujourd’hui dans tout restaurant indien digne de ce nom.

Notre massalé péi est donc un descendant direct et non adopté des massalas d’Inde, mais en version beaucoup plus simplifiée. Un coup d’oeil sur notre tableau ci-dessous montre en effet que les massalés locaux ne comportent que quatre ingrédients principaux, le cumin (sillon), la coriandre (cotomili), le fenugrec (vindion) et la graine de moutarde, base à laquelle des producteurs apportent parfois une touche personnelle en ajoutant qui du caloupilé, qui du safran, qui du girofle, rapprochant de fait leur mélange du colombo courant des Antilles. Les massalas, eux, garam ou pas, incluent au moins sept ingrédients, dont la cardamome, la cannelle et l’anis étoilé, plus quantités de déclinaisons.

Moins de piment
Pourquoi cette différence entre notre massalé et ses ancêtres massalas ? Probablement une histoire de disponibilité des épices à La Réunion. Les premiers engagés indiens ayant dû composer avec ce qu’ils avaient sous la main. Une «simplicité» toute relative en revanche quand on considère les variantes possibles, selon la proportion des différentes épices dans le mélange et leurs temps respectifs de chauffe à sec, avant leur passage sur l’amy, la pierre plate appelée à Maurice «roche cari», sous le poids du «colvi». Chaque famille garde donc plus ou moins jalousement sa recette propre, sauf quand elle décide, à l’instar de Luigi Andy, de la commercialiser. Ainsi est née la marque Traditionnellement Réunion, vendue à l’Atelier Alexandra à Saint-André, ou en direct, sur commande.
Aucune information en revanche de la part d’André Ramaye, qui tient la recette de son massalé de sa grand-mère, et qui vend sa poudre au marché forain de Sainte-Marie.

Dans cette affaire, le piment prend aujourd’hui de moins en moins de place. Si quelques «industriels» proposent encore des versions avec et sans piment, les artisans, eux, ont tendance à privilégier la version «soft», étant davantage au contact des touristes potentiellement plus sensibles à la capsaïcine, surtout celle du piment sec, qui vous envoie ses droits de douane en recommandé avec accusé de réception. «Ceux qui aiment le piment peuvent très bien en ajouter après dans leur cari, mais il faut aussi penser aux enfants», nous avait déclaré Gabriel Patchane Lacane, du Trésor des engagés, qui présente son amy sur les marchés, en travaillant, comme ses confrères, pour l’amour du massalé.

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Battle de massalés : Leste premier, d’une courte tête

Les poudres de massalé sans piment ont été testés dans un cadre privé, où un cuisinier amateur (éclairé), Pascal Corbière, et son acolyte professionnel Kevin Defrance, ont préparé un cabri massalé selon la recette de l’hôte (voir par ailleurs). Les produits de Maison Leste, Traditionnellement Réunion, Bon épice de la Maison Ah-Soune, Massalé Bourbon de Tailé Manikom, Exotic Fabric et celui d’André Ramaye ont été examinés à la loupe. Six poudres achetées dans des lieux différents, marchés forains, commerce spécialisé et GMS. Ces massalés ont été comparés d’après leur couleur, leur texture, leur odeur à température ambiante puis après une légère chauffe, et leur saveur finale après passage en marmite avec du cabri frais. Puis, humage et dégustation en présence de Jean-François Dally, descendant Malbar devant Dieu et les hommes, et professeur de cuisine au lycée Christian Antou. “Je suis un fan de massalé, je l’apprécie quand il est fort et légèrement pimenté, avec des viandes comme le cerf, le cochon noir, le cabri, confie-t-il. Au massalé de poisson, certaines familles ajoutent de la mangue verte ou des zévis. Enormément d’épices peuvent compléter la base. Ma grand-mère y mettait de la cannelle.”
 

Résultat du battle : Traditionnellement Réunion et la Maison Leste arrivent en tête, avec une légère avance de cette dernière. “Mon papa la trouve le bon dose” s’exclame Frédéric, derrière son étal du marché des Camélias, pas peu fier quand on lui annonce la nouvelle. Un dosage secret qui a fait la réputation du massalé d’Emilien Leste. Exotic Fabric, société basée à Saint- Joseph, se classe en troisième. Dernier du peloton, le massalé Bon Epice «jaune» de la Maison Ah-Soune a tout de même rassuré à la dégustation après une évaluation olfacive catastrophique qui le rapprochait davantage d’un curry rance.
Comme le disait Christian Antou, le mieux est encore de préparer son massalé soi-même, pour l’adapter à ses propres préférences gustatives, et simplement par satisfaction de le faire. Toutes les épices sont disponibles dans les commerces spécialisés en produits indiens. Si vous n’avez pas d’amy, «Fesse bouc» pourrait vous aider à en trouver un. Plus sérieusement, le vieux pilon familial et un petit mixeur peuvent dépanner en attendant mieux.

Maison Leste : 0692 87 13 22
Traditionnellement Réunion : 0692 67 07 75

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