Parmi les projets d’énergie marine à La Réunion, Seawatt avance à grands pas. Ce projet, qui vise à faire avec les vagues de l’électricité grâce à la technologie Pelamis à l’horizon 2011, vient d’être labellisé par le pôle de compétitivité national Capénergies. Un plus pour aller chercher les 25 millions d’euros nécessaires pour lancer “la première ferme houlomotrice de France”.
L’étude amont du projet Seawatt est pratiquement bouclée. La société du même nom, soit 50 % appartenant à SRP et 50 % à Corex, espère lever les dernières contraintes techniques d’ici la “mi-2010”, avant d’entamer la concertation avec les usagers de la mer et les demandes d’autorisations d’installation. Elle prévoit la mise à l’eau de cinq pelamis, serpents de mers qui transforment l’énergie cinétique de la houle en électricité, au cours du “troisième trimestre 2011”. Ce qui en ferait, selon le PDG de Corex, “la première ferme houlomotrice de France”, mais pas du monde. En effet, le Pelamis est déjà installé au large du Portugal depuis 2008. Le projet est en tout cas sur de bons rails, même s’il reste à lever les 25 millions d’euros nécessaires à la mise sur place de la phase expérimentation grandeur nature. C’est-à-dire la fameuse installation des premiers engins au large de la Pointe du diable à Saint-Pierre. La société espère assurer une levée de fonds extérieurs de l’ordre “de deux tiers”, le reste étant supporté sur fonds propres. Dans cette course pour boucler le financement, Seawatt vient de s’assurer un sérieux coup de pouce. En effet, le pôle de compétitivité national Capénergies, très orienté sur les énergies propres en milieu insulaire, vient de labelliser le projet. “C’est une reconnaissance nationale qui permet d’accéder à certains financements dédiés comme le grand emprunt national, les aides d’Oséo innovation ou les prêts de la Caisse des dépôts et consignations”, estime Patrice Galbois.
Un volet stockage qui fait mouche
Le projet réunionnais a visiblement séduit la vingtaine d’experts du comité stratégique du pôle de compétitivité. Au-delà de la technologie, c’est l’ajout d’un volet recherche et développement spécifique qui a penché en ce sens. En effet, les Pelamis réunionnais vont expérimenter une nouvelle technique de stockage. “C’est une amélioration de la technologie de base via l’utilisation de l’espace vide pour stocker de l’air comprimé (ndlr : azote sous pression). Une technique qui pourrait permettre de produire à nouveau de l’énergie sur demande du gestionnaire du réseau”, explique Patrice Galbois. En effet, le stockage représente un des gros facteurs limitant encore aujourd’hui le recours aux énergies renouvelables dites intermittentes (solaire, éolien…). Les vagues, bien qu’étant une source non intermittente, ne produisent pas à la demande mais en fonction des trains de houles (prévisible à trois jours)… Seawatt, qui a obtenu du concepteur écossais qu’une bonne partie des éléments soit produite localement, espère à terme que cette technologie fournira “30 MW de puissance pour 30 engins au réseau réunionnais”. Avant cela, il faudra que la phase test, portant sur deux ans et qui doit démarrer en 2011 (5 MW injectés dans le réseau), donne entière satisfaction. La rentabilité n’est pas oubliée. Pour cela Corex et d’autres porteurs de projets militent pour la revalorisation du prix d’achat des énergies marines fixé aujourd’hui à 15 centimes du kw/h. C’est, certes, un peu plus que l’éolien (11 centimes), mais bien en dessous du photovoltaïque (40 centimes). Patrice Galbois estime qu’il faudrait porter le prix de rachat “à 30 centimes pour toutes les énergies marines en devenir”.
Bruno Graignic
Capénergies et Témergie main dans la main
Le pôle de compétitivité Capénergies fait partie des 72 pôles mis en place sur le plan national. Son objectif est de pousser les énergies sans gaz à effet de serre. Il s’agit du nucléaire (fission et fusion) mais aussi des énergies solaires et, bien entendu, des énergies marines. La problématique insulaire est largement prise en compte. La Corse, La Guadeloupe et La Réunion sont parties prenantes de ce réseau. Des discussions sont en cours avec La Martinique et La Nouvelle Calédonie pour leur intégration. Patrick Bouchard, directeur du comité stratégique en visite dans l’île, souligne : “Nous en sommes aujourd’hui à 450 membres et nous avons labellisé 250 projets. Le comité stratégique passe en revue 88 projets par an. Tous les projets labellisés représentent un investissement global de l’ordre de 350 millions d’euros”. Il ajoute : “Notre but est d’apporter une valeur ajoutée aux porteurs de projets et a visé les guichets de financements les mieux adaptés”. Concernant La Réunion, il estime le mouvement en direction des énergies renouvelables “impressionnant d’une part par les réalisations mais aussi par la motivation montrée par les institutionnels et les industriels”. Capénergies a par ailleurs signé en fin d’année dernière une convention d’adossement avec l’association d’industriels locaux du secteur Témergie. Celle-ci vise à faire émerger des projets collaboratifs innovants dans les domaines des énergies renouvelables, de la maîtrise de l’énergie et du stockage énergétique. Pour Michel Dijoux, le président de Témergie, ce partenariat est essentiel. “Il assure une visibilité et une reconnaissance nationale à La Réunion gage d’un développement économique de nos entreprises sur notre territoire mais aussi sur le plan national”.
Le Pelamis c’est quoi ?
Conçu à Édimbourg en Écosse par Pelamis Wave Power Ltd, le Pelamis est un assemblage de plusieurs segments cylindriques semi-immergés. Le mouvement des vagues agit dans chaque articulation sur un vérin hydraulique qui envoie du fluide haute pression vers une turbine permettant de produire l’électricité. Un “cordon ombilical” relie la structure à la terre et irrigue le réseau électrique. Seawatt a déjà réservé les cinq premiers engins auprès de l’entreprise écossaise. Son installation au large de la pointe du Diable ne devrait pas entrer en conflit avec un autre projet d’énergie houlomotrice. Le Ceto, porté par EDF énergies nouvelles et DCNS, sera implanté à proximité des côtes, les Pelamis plus au large sur des fonds d’environ 50 m. Le Pelamis produit 2 500 heures par an contre 1 400 heures par an pour le solaire ou l’éolien.
Areva s’attaque au stockage à La Réunion
Patrick Bouchard, également président de l’entreprise Hélion une filiale d’Areva spécialisée dans les technologies liées à l’hydrogène, profite de son séjour sur l’île pour avancer sur un autre projet lié au stockage et à l’énergie hydraulique. L’industriel n’en a pas dit plus attendant “que le projet soit mûr”. Areva est le n° 1 mondial du nucléaire et développe un portefeuille d’activités dans les énergies renouvelables. Dans ce cadre, Hélion a misé sur la technologie PEM qui via des électrolyseurs permet de stocker l’énergie produite par des énergies renouvelables sous forme de gaz (hydrogène). Ce dernier est ensuite réutilisé dans les piles à combustible pour produire à nouveau de l’électricité.