Air Bourbon à l’heure des comptes

En dépit des démentis d’Erick Lazarus, les actionnaires d’Air Bourbon admettaient hier soir que le bilan serait vraisemblablement déposé aujourd’hui devant le tribunal de commerce.

 

Air Bourbon est-elle en train de vivre ses dernières heures ? La rumeur a de nouveau couru hier tout au long de la journée avant de devenir dans la soirée une quasi-certitude. Malgré ses ultimes dénégations, Erick Lazarus, le PDG de la compagnie, devrait déposer aujourd’hui le bilan devant le tribunal de commerce avec sans doute à la clé une liquidation pure et simple de la société.

A priori, le vol effectué hier soir au départ de la Réunion aura été le dernier. Mais dans les milieux aériens, on n’exclut pas que l’appareil puisse faire une ultime rotation ce week-end avant de regagner Toulouse, siège d’Airbus Industrie, propriétaire de l’Airbus A. 340.
Cette dernière hypothèse sera sans doute à l’ordre du jour d’une réunion de crise programmée ce matin à la préfecture. Le préfet a convoqué les responsables d’Air France, d’Air Austral et de Corsair. Il s’agit d’organiser le rapatriement des passagers à la Réunion comme en métropole dans la mesure où Air Bourbon n’apparaît plus en mesure d’assurer ses obligations.

DÉPART MOUVEMENTÉ HIER SOIR

Les dés paraissent jetés, mais des interrogations subsistent. Erick Lazarus a-t-il bluffé il y a deux jours, ou était-t-il réellement en mesure d’amener dans sa compagnie un investisseur miracle prêt à injecter 8 millions d’euros ? L’homme a tellement habitué par le passé ses interlocuteurs à des effets d’annonce sans lendemain qu’il apparaissait évidemment difficile de lui faire aveuglément crédit.

Reçu hier à la préfecture, Erick Lazarus aurait produit les papiers notariés et les lettres d’intention évoqués mercredi. De ces documents, il ressortait qu’un investisseur était prêt à investir mardi prochain 8 millions d’euros. L’authenticité de ces pièces et surtout la crédibilité des investisseurs pressentis ont néanmoins été passés au crible à Paris. Une source proche du dossier parle d’actionnaires mauriciens auxquels se seraient joints des bailleurs de fonds jugés plus “exotiques”.
En tout état de cause, la réalité de leur existence et leur solidité financière n’ont, semblent-ils, pas convaincu même si l’Etat et les collectivités locales s’activent depuis plusieurs jours à éviter la débâcle et à vérifier la provenance des fonds…

L’alternative était simple. Ou l’examen sérieux du “plan Lazarus” révélait une possibilité pour Air Bourbon de continuer sur une base financière solide, ou le dépôt de bilan devant le tribunal de commerce devenait inéluctable. C’est ce deuxième scénario que les actionnaires eux-mêmes ont fini, contraints et forcés, par valider.
Ils n’ont pas vraiment eu le choix. L’absence totale de liquidités a considérablement réduit ces derniers jours les marges de manœuvre. Même dans l’hypothèse où le “plan Lazarus” se serait révélé crédible, la question était de savoir si Air Bourbon aurait pu tenir jusqu’à mardi. Chaque vol coûtant environ 100 000 euros, certains actionnaires signaient depuis quelques semaines presque quotidiennement des chèques afin de payer les factures les plus urgentes. Ils refusaient depuis deux jours de débourser les 450 000 euros indispensables pour passer le cap du week-end. Hier, l’Airbus A 340 200 d’Air Bourbon, fraîchement sorti des ateliers d’Air France Industries s’est posé à Gillot avec plus deux heures de retard suite à des problèmes sur des réacteurs. Dans la soirée, le départ sur Orly a failli être compromis, Réunion Air Assistance ayant réclamé le règlement d’une ardoise de 45 000 euros pour assurer l’assistance au sol.

Sauf coup de théâtre de dernière minute, le sort d’Air Bourbon semble donc scellé. La principale interrogation concerne désormais l’avenir des 160 salariés de l’entreprise et des passagers, très nombreux à avoir acheté des billets à l’approche des fêtes de fin d’année et des vacances scolaires.