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Meurtre de Dimitri à la Ravine-des-Cabris : une famille en détention provisoire

Saint-Pierre. Un père, ses deux fils et leur cousin étaient déférés hier devant le juge des libertés et de la détention. Ils sont tous les quatre suspects dans la bagarre mortelle ayant eu lieu lundi soir à La Ravine-des-Cabris.

Dimitri, 20 ans, a été mortellement blessé lors d'une bagarre, rue Jean de La Fontaine, à quelques pas de son domicile à la Ravine-des Cabris
Dimitri, 20 ans, a été mortellement blessé lors d'une bagarre, rue Jean de La Fontaine, à quelques pas de son domicile à la Ravine-des Cabris

Auteur de l'article : Meurtre de Dimitri à la Ravine-des-Cabris : une famille en détention provisoire
Rédigé par Clicanoo

Trois placements en détention provisoire et un placement sous contrôle judiciaire. C’est le résultat des passages devant la juge des libertés et de la détention des quatre hommes suspectés d’avoir participé dimanche soir à l’assassinat de Dimitri. Le jeune homme, retrouvé mort rue Jean de la Fontaine à la Ravine-des-Cabris, a succombé à un coup de couteau lors d’une rixe l’opposant à des individus résidant à Bois d’Olives, un quartier avoisinant. Une bagarre survenue dans une rue proche de son domicile.

Les circonstances de la mort de Dimitri restent néanmoins encore floues. “Des zones d’ombre persistent”, le rappelle la Procureur, après plusieurs auditions des quatre hommes interpellés lundi. Il s’agit d’un père de famille de 40 ans, ses deux fils de 17 ans et demi et 19 ans et de leur cousin. En somme, c’est une famille que la police a entendu pendant plusieurs heures avant leur déferrement respectif devant le juge d’instruction puis devant le juge des libertés et de la détention hier.  

Les quatre suspects ont été présentés à la justice avec un poids, celui d’avoir pris la fuite et de s’être délibérément cachés dans leur famille jusqu’à l’interpellation des forces de l’ordre. Presque 24 heures se sont écoulées entre la rixe et leur placement en garde à vue. De quoi peser dans la balance, les auteurs présumés ayant pu s’accorder ensemble sur les propos à tenir.

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Un assassinat prémédité ?

La justice ne peut s’appuyer, dans cette affaire, sur aucune certitude. Tout serait parti du vol d’une carte bleue, selon l’une des hypothèses avancées par Me Issé, l’avocat du fils aîné. Le jeune majeur retire de l’argent pour son père à la poste de la Ravine des Cabris, point à partir duquel il est poursuivi par quatre hommes, dont Dimitri. Celui-ci tente de s’enfuir et oublie la carte bleue dans le distributeur, qui se voit ensuite volée par les individus désignés comme agresseurs initiaux. Le fils aîné appelle alors son père, son frère et son cousin. De là, la bagarre dégénère jusqu’au décès de la victime, en présence notamment de sa mère et de sa sœur. Des faits que confirmera, ou non, l'enquête en cours.

Cette altercation n’est pourtant pas ce que décrit en premier lieu la famille suspectée. Au contraire, les premières versions livrées à la police sont diamétralement opposées aux suivantes. “Mr nous livre des versions farfelues, se disant en train de jardiner à Bassin plat jusqu’à 22 heures pour finalement plaider qu’il était dos à la victime lorsqu’elle s’est écroulée”, expose la Procureur à l’encontre du père. Des dires finalement réfutés lors de sa dernière audition. “Il a essayé de séparer les jeunes. Il n’a pas été violent. Il était présent et c’est bien son tort, mais cela n’induit pas qu’il soit complice”, argue Me Hoareau, son avocate. 

Si le père est placé en examen pour complicité d’assassinat avec préméditation ou guet-apens, comme son fils mineur, son autre fils est, lui, entendu pour assassinat. Le cousin, acteur tiers, est, pour sa part, accusé de non assistance à personne en danger. Aussi, ce serait l’aîné de la fratrie qui aurait porté le coup de couteau mortel à Dimitri, la lame de cette arme blanche ayant pénétrée entièrement le corps de la victime. Il s’en défend, disant à la juge qu’il “n’avait jamais agressé quelqu’un avant" et nie avoir porté un coup de couteau ayant blessé. 

Des profils “peu intégrés” à la société

La juge des libertés et de la détention n’a pas manqué d’interroger père et fils sur leurs quotidiens. Des questions ayant rapidement mis en évidence une intégration que partielle à la société, que n’ont pas contredit les avocats. Le père ne sait ni lire, ni écrire. Il ne détient aucun diplôme, ayant arrêté l’école à 14 ans. Il est sans emploi, et n’a connu que des emplois aidés. Aujourd’hui, il perçoit 300 euros mensuels d’aides. A 40 ans, il a déjà été incarcéré entre 2000 et 2002 pour d’autres faits, mais jamais pour violence. Récemment, il a écopé de peines concernant des délits routiers. Le père de famille vit chez sa compagne et mère de ses enfants. Le couple a repris la vie commune il y a quelques mois, après une période de séparation. 

Son fils aîné, lui, a 19 ans. Il travaille dans le BTP en contrat engagement jeune avec Pôle Emploi. Il n’est plus scolarisé et son casier judiciaire est vierge. Ce jeune majeur vit au domicile familial avec ses deux frères. L’un de 17 ans et demi, concerné par la rixe, et un autre d’une dizaine d'années. Étant suspect mineur, aucun élément n’a été communiqué à son sujet. 

Des détentions provisoires géographiquement éclatées

Le juge d’instruction avait donc demandé le placement en détention provisoire des quatre suspects. Des demandes examinées en débat public hier, successivement, en présence des avocats, de la Procureur, de la juge des libertés et du suspect. L’incarcération étant motivée pour éviter des pressions sur les témoins, calmer l’émoi dans les quartiers, éviter les vengeances et la récidive et surtout prévenir de la concertation entre les acteurs incriminés. Au vu de la peine encourue allant jusqu’à plus de 20 ans, les suspects pourraient être également tentés de quitter le territoire. 

Me Hoareau, qui sollicitait un placement sous contrôle judiciaire pour son client, défend sa position : “En fuyant après le drame, il n’a pas essayé de fuir la justice, ce n’est pas son genre. Il a essayé de protéger ses enfants.” Un argument qui n’a pas convaincu la juge, qui, sans aucune suspension d’audience, prononce le placement en détention du père de famille à la maison d’arrêt de Saint-Pierre. “Vous y serez incarcérés le temps de l’enquête, qui peut durer jusqu’à 18 mois. Néanmoins, le mandat de dépôt prévaut pour un an”, précise-t-elle. Les deux fils écopent du même sort, mais iront à Dominjod. Le plus jeune étant incarcéré dans le quartier pour mineurs. Une volonté de la juge de ne pas placer la famille sur le même site pour éviter tout contact. Quant au cousin, il est placé sous contrôle judiciaire. 

Les débats n'épargnent émotionnellement pas les suspects. Le fils aîné, plus que poli, ne pleure pas mais finit par s'agacer de la décision de la juge. Comme si son placement en détention provisoire était une injustice. Le père, lui, était de marbre. Peu de choses transparaissaient de son visage. Un semblant de larme émerge lorsqu'il demande, en fin de débat, à rester libre pour ne pas laisser seule son épouse. 

Un lourd travail reste à faire pour dénouer les nœuds de cette bagarre qui restera gravée dans les mémoires des quartiers dits “rivaux”. L’audience n’est pas attendue pour les semaines à venir pour laisser le temps des investigations. De nombreux témoignages restant encore à recueillir. 

Léa Delaplace


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